Publié le 14 décembre 2015
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L’opération Paris Plages épinglée par la CRC

C'est un rapport bien intéressant que la Chambre régionale des comptes (.CRC.) d'Île-de-France a rendu fin septembre concernant l'opération “.Paris Plages.” organisée par la Mairie de Paris depuis 2002. «.Si la réussite de Paris Plages est incontestable, de sérieux dysfonctionnements peuvent néanmoins être relevés dans sa gestion.» estime en effet la Chambre régionale en donnant carrément dans l'euphémisme, car ces dysfonctionnements mettent à mal quelques principes de base des finances publiques. Pas moins !

>  Lire le  rapport intégral de la CRC  sur Paris Plages

«.Depuis sa création, Paris Plages connaît un succès public considérable grâce, notamment, à la diversité et à la qualité des activités proposées gratuitement. Chaque année, Paris Plages accueille, du 20 juillet au 20 août, quelque quatre millions de visiteurs, sur des plages aménagées, dans Paris, sur les berges de la Seine et autour du bassin de La Villette. Paris Plages est aujourd'hui un atout majeur de la communication de la Ville et sa très forte médiatisation contribue fortement à l'attractivité de la capitale.» constate d'emblée la CRC.

Mais, pour la Chambre régionale, de «.sérieux dysfonctionnements.» peuvent être relevés dans la conduite de cette prestigieuse opération annuelle. Ces défaillances sont les suivantes, selon le rapport de la CRC :

-  des insuffisances dans le pilotage de l'opération ; -  un coût réel qui ne peut être chiffré avec exactitude ; -  des conventions de partenariat souvent approuvées après la fin de l'opération ; -  des irrégularités dans la mise en œuvre des partenariats ; -  un dépassement du montant de certains marchés assumé dans le cadre des partenariats.; -  une gestion approximative des droits sur la scénographie «.corrigée récemment.».

La Mairie de Paris ignore le coût de Paris Plages

En ce qui concerne le pilotage de l'opération, la Chambre régionale des comptes d'Île-de-France rappelle que «.plusieurs directions de la Ville de Paris et de nombreux prestataires participent à l'organisation de cet évènement dont la coordination est assurée par un régisseur externe pour le montage et le démontage des installations comme pour l'exploitation de la manifestation. À la fin de chaque opération estivale, le régisseur établit un bilan des difficultés rencontrées et il propose des améliorations possibles pour les éditions à venir. Pour autant, les mesures correctives et les pistes d'amélioration proposées ne sont pas toujours prises en compte par la direction de la communication (.DICOM.), chargée du pilotage de cet évènement.».

Au niveau financier, «.il apparaît qu'aucune évaluation véritable du coût réel de la manifestation n'a jamais été faite par les services.» remarque la CRC. Ainsi, «.la Ville de Paris n'a pas été en mesure de fournir une évaluation du coût des éditions de 2009 à 2011.». Pour 2012 et 2013, «.un tableau très sommaire (15 lignes).» montre que l'estimation des coûts est deux fois supérieure aux chiffres communiqués aux membres du conseil de Paris et à la presse. «.Un écart aussi net paraît s'expliquer partiellement par l'absence de prise en compte, dans les prévisions budgétaires, des charges de rémunération. Mais l'ignorance des coûts effectifs d'une opération aussi emblématique tient surtout à ce qu'ils sont éclatés entre plusieurs directions, aucune d'elle n'étant d'ailleurs chargée d'en établir le bilan financier à la clôture de chaque édition.».

Des partenariats totalement irréguliers

Les irrégularités les plus graves relevées par la CRC concernent la mise en œuvre des partenariats, qui contrevient au principe d'universalité budgétaire et plus particulièrement à la règle de non-compensation des dépenses et des recettes. Ainsi, «.les soutiens financiers apportés par les entreprises partenaires ne donnent pas lieu au versement des sommes mentionnées dans les conventions ni à l'émission de titres de recettes par les services de la Ville. Ils sont systématiquement convertis en achat de prestations par les partenaires. Dans ce cas, les partenaires se substituent à la Ville, d'abord pour commander les prestations pour son compte, ensuite pour régler directement aux fournisseurs les factures que ceux-ci leur adressent (...). En faisant prendre en charge par ses partenaires des dépenses destinées à la réalisation de l'évènement et en n'enregistrant pas leurs contributions en recettes, la Ville procède à une compensation irrégulière entre recettes et dépenses. Le bilan financier en est faussé, ce qui renforce l'ignorance par la Ville du coût réel de Paris Plages. La procédure rend aussi presque impossible pour la Ville le contrôle de la réalité de l'exécution des prestations. En effet, les devis étant souvent adressés directement à l'entreprise partenaire, celle-ci règle alors les factures sans vérification car elle n'est pas le véritable bénéficiaire de la prestation ni le vrai pilote de l'opération.».

Des principes de base oubliés

La Chambre régionale des comptes constate également que la DICOM éprouve des difficultés à évaluer précisément les besoins concernant l'aménagement des espaces accueillant la manifestation, alors qu'elle assure la préparation des marchés en ce domaine.  «.Les prestations demandées aux entreprises dépassent tous les ans les montants prévus aux actes d'engagement.». Et la CRC de donner de nouveau une leçon de finances publiques à la Mairie de Paris : «.Mais au lieu de conclure des avenants, la DICOM préfère demander à des entreprises partenaires de se substituer à la Ville afin de régler les dépenses supplémentaires. Cette pratique est tout-à-fait irrégulière au regard du droit applicable tant en matière de budget que de marché public. Elle est, en outre, opaque et risquée. Elle constitue enfin un obstacle supplémentaire à l'évaluation du coût exact de la manifestation.».

On tombe ensuite dans le péché véniel : la Ville a perdu les droits patrimoniaux attachés à la scénographie au bénéfice d'une société privée ayant pour nom...  Nez Haut ! Happy end : à l'issue d'une convention avec ladite société, la Ville bénéficiera des droits de scénographie de Paris-Plages... «.pour un euro symbolique.»...

La réponse de la Mairie

Dans sa réponse adressée le 20 novembre au président de la Chambre (.que l'on peut lire à la fin du rapport.), Philippe Chotard, Secrétaire Général de la Mairie de Paris, ne répond précisément que sur l'un des points abordés par le rapport de la CRC en réaffirmant que «.les coûts d'intervention des agents de la Ville ne sauraient être intégrés dans le bilan financier global de l'opération.» En ce qui concerne la question épineuse des partenariats, la réponse du SG se décline en deux phrases très significatives des pratiques de la Mairie : la Ville «.tient toutefois à souligner que la recherche de partenaires ne débouche souvent sur un accord qu'à une date très proche du démarrage de l'opération.»  –  «.les montants exacts de ces partenariats étant connus tardivement et après le lancement des marchés, ils n'ont pas toujours pu être pris en compte lors de la rédaction de l'acte d'engagement et de son montant maximum.». En bref : la Mairie de Paris n'a pas le temps. Pas le temps d'avoir l'approbation du Conseil de Paris, pas le temps de respecter les principes de base des finances publiques, pas le temps de prendre en compte les règles de droit applicables aux budgets et aux marchés publics. Cette réponse apportée au juge des comptes ne surprendra pas vraiment les organisations syndicales, qui savent depuis longtemps que la Municipalité parisienne (.avant 2001 et après.) s'est souvent située au-dessus de la réglementation, notamment en matière de gestion des personnels. Il est donc logique qu'au pays des merveilles juridiques dans lequel la Ville de Paris évolue, le lapin blanc soit toujours en retard. Pour le reste, le SG renvoie à des améliorations futures de nature à répondre aux recommandations de la Cour. On attend la suite...

Photo  :  ©  Saskia Heijltjes  –  Flickr (.sous contrat Creative Commons.)