Publié le 10 juillet 2012
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Les camelots du droit

L'affaire des élections partielles refusées aux attachés continue de jouer un rôle de révélateur des pratiques de l'administration parisienne et permet de nouveau de mettre à jour les turpitudes de la Mairie de Paris. Bousculée par les contentieux que nous lançons, la DRH essaie ainsi d'utiliser le décret concernant le nouveau statut du corps des attachés d'administrations parisiennes (rendu nécessaire par les modifications touchant les attachés de l'État) pour s'en prendre au fonctionnement de la CAP compétente ! Analysons cette dernière manipulation.

L'administration parisienne (comme, du reste, la plupart des administrations françaises) poursuit tranquillement ses activités sous le regard de ses dieux tutélaires : Georges Courteline, Franz Kafka, Alfred Jarry (et son père Ubu). Elle vient cependant d'ajouter à cette noble galerie un nouveau personnage : l'Escamoteur, tel qu'il a été peint par Jérôme Bosch au tournant du XVIe siècle.

Le Syndicat UNSA des attachés des administrations parisiennes a déjà décrit le tour de passe-passe utilisé par la Mairie pour refuser d'appliquer le décret n° 2010-1014 du 30 août 2010 imposant la tenue d'élections partielles pour les attachés d'administrations parisiennes avant le 2 juillet 2012 : ne sachant pas si elle doit ou non appliquer la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social, et n'ayant rien fait pour le savoir, la Ville refuse d'organiser le scrutin prévu réglementairement pour ses attachés (voir notre article du 26 juin).

Décret modificatif

Continuant de chanter sur un registre pseudo-juridique son refrain “Ni vu ni connu, je t'embrouille”, l'Exécutif utilise maintenant le projet de décret modificatif portant nouveau statut des attachés d'administrations parisiennes (que nous commentons par ailleurs dans un article) pour insérer dans la précipitation une disposition qui annulerait rétroactivement le délai de 18 mois à compter du 1er janvier 2011 au cours duquel les élections partielles devaient être organisées pour les attachés.

L'article 6 du décret n° 2010-1014 du 30 août 2010 précise en effet, d'une manière on ne peut plus claire : « Jusqu'au renouvellement de la commission administrative paritaire des attachés d'administrations parisiennes qui interviendra au plus tard dans les dix-huit mois à compter du 1er janvier 2011, les représentants élus à cette commission et ceux de la commission des attachés du centre d'action sociale de la ville de Paris sont maintenus en fonction et siègent en formation commune ».

En résumé, et en reprenant les termes mêmes du décret, on constate ainsi que les élus paritaires de la CAP des attachés d'administrations parisiennes sont maintenus en fonction jusqu'au renouvellement de la Commission qui devait intervenir au plus tard le 1er juillet 2012. Ce renouvellement n'ayant pas eu lieu, les élus paritaires ne sont donc plus en fonction depuis le 2 juillet 2012 et les attachés ne sont ainsi plus représentés au sein de la CAP.

Tentant (sans doute) d'imiter le préfet du Double assassinat dans la rue Morgue d'Edgar Poe et son pouvoir si particulier de nier ce qui est et d'affirmer ce qui n'est pas, les responsables de la DRH ont bien tenté, lors d'une réunion tenue le 31 mai 2012 avec notre syndicat, de prouver qu'il n'en était rien et que les CAP des attachés d'administrations parisiennes et des attachés du CASVP pouvaient fort bien continuer à se réunir en formation commune alors que le renouvellement de la Commission n'avait pas eu lieu.

Trou noir

Se rendant compte à présent que leur tour de magie n'avait cette fois-ci guère de chance d'être accepté, nos illusionnistes utilisent maintenant l'arme du décret modificatif et tentent d'introduire une disposition surprise dans le texte prévu de longue date pour adapter le statut des attachés d'administrations parisiennes au nouveau statut des attachés d'administration de l'Etat. Le projet de décret modificatif, tel qu'il devait être présenté à l'origine au CSAP et au Conseil de Paris, vise ainsi désormais à la fois le décret n° 2007-767 du 9 mai 2007 portant statut particulier du corps des attachés d'administrations parisiennes et le (fameux) décret n° 2010-1014 du 30 août 2010 relatif à l'intégration dans ce corps des attachés du centre d'action sociale de la ville de Paris et du Crédit Municipal.

Ainsi, un chapitre II entièrement consacré à ce dernier décret indique : « À l'article 6 du décret n° 2010-1014, les termes “qui interviendra au plus tard dans les dix-huit mois à compter du 1er janvier 2011” sont supprimés ».

Contrairement à ce qu'elle voulait nous faire croire, la DRH reconnaît donc maintenant elle-même que les attachés d'administrations parisiennes sont bien dans un trou noir depuis le 2 juillet 2012 en ce qui concerne leur représentation au sein de leur CAP, et ce jusqu'à la publication du décret modificatif qui interviendra dans un délai indéterminé.