La stratégie secrète de la Mairie de Paris
Le refus de la Mairie de Paris d'organiser les élections partielles prévues pour les attachés d'administrations parisiennes par un décret du 30 août 2010 est tout sauf anodin. Les mots comme les actes ont un sens, et cette violation délibérée de la réglementation révèle en fait une stratégie plus vaste et plus profonde visant à remettre en cause à la fois les résultats des élections générales pour les attachés des administrations parisiennes (par le biais des CAP siégeant en formation commune) et le statut des attachés parisiens.
Le but final de ces deux actions est bien évidemment de permettre à la Mairie de gérer comme elle l'entend et sans contraintes le corps des attachés d'administrations parisiennes. Elles permettent aussi, une nouvelle fois, d'illustrer le leitmotiv (si inquiétant) de l'administration parisienne : Tel est notre bon plaisir...
1. La remise en cause du résultat des élections générales
Les attachés d'administrations parisiennes vont être amenés, comme les autres agents de la Ville, à désigner leurs représentants lors des élections professionnelles générales qui se tiendront à la fin de l'année 2014. Ils ne vont cependant pas être certains (à la différence des autres fonctionnaires municipaux) de voir leurs votes respectés par l'administration. Celle-ci dispose en effet d'une arme originale : l'intégration peu de temps après la tenue des élections générales d'un petit corps (par le nombre) de fonctionnaires dans le grand corps des attachés d'administrations parisiennes et la tenue des deux CAP correspondantes en formation commune pendant de nombreuses années jusqu'aux prochaines élections générales.
Exemple : à l'issue des élections générales de la fin 2014, le syndicat “A” obtient 3 sièges à la CAP des attachés d'administrations parisiennes (qui comprend alors 1.100 personnes) et le syndicat “B” 1 siège. Quelques mois plus tard, en septembre 2015, la Mairie de Paris décide d'intégrer (nous sommes dans la fiction) le corps des chargés d'études du patrimoine virtuel (qui comprend à ce moment 75 agents) dans le corps des attachés d'administrations parisiennes. Nos collègues chargés d'études du patrimoine virtuel ont donné la majorité de leurs suffrages au syndicat “C”, qui détient les 4 sièges réservés au personnel au sein de la CAP compétente.
Notons en effet que la réglementation actuelle octroie 2 sièges de représentants titulaires à la CAP pour chaque grade comprenant de 20 à 1.000 fonctionnaires. Une CAP comprend donc 4 représentants titulaires pour les corps à deux grades comprenant entre 40 et 2.000 fonctionnaires.
Ainsi, les deux CAP siégeant en formation commune d'octobre 2015 à décembre 2018 vont permettre dans notre exemple au syndicat “C” d'être majoritaire pour la CAP des attachés d'administrations parisiennes alors qu'il ne représente que quelques dizaines de personnes et n'a obtenu aucun siège lors des élections générales organisées pour les attachés ! Le fait que les élu(e)s paritaires siégeant en formation commune ne représentent pas tous le même nombre de votants ne gêne en aucune manière la Mairie de Paris, bien au contraire. Ainsi, dans le cas des deux CAP (attachés d'administrations parisiennes + attachés du CASVP) siégeant en formation commune depuis le début de l'année 2011 et que la DRH veut continuer à faire siéger illégalement de cette manière après la date butoir du 1er juillet 2012 (fixée par l'article 6 du décret n° 2010-1014 du 30 août 2010), un(e) élu(e) de la CAP des attachés du Centre d'action sociale représente 16 suffrages exprimés alors qu'un(e) élu(e) de la CAP des attachés d'administrations parisiennes représente 154 voix.
Notons également que, dans ce système, la Mairie de Paris est maîtresse des règles du jeu suivant que le résultat des élections générales pour la CAP des attachés d'administrations parisiennes lui convient ou non. Dans le premier cas, elle peut en effet procéder à l'intégration du petit corps (en nombre) à la fin du mandat de quatre ans des élu(e)s paritaires. Dans le second cas, elle peut au contraire intégrer ce corps de fonctionnaires dans le corps des attachés d'administrations parisiennes peu de temps après les élections générales afin, par le biais de l'astuce des deux CAP siégeant en formation commune, de voler (dans notre exemple) la victoire au syndicat “A” que les attachés parisiens ont majoritairement choisi pour les représenter.
2. La possibilité de passer perpétuellement outre aux dispositions du décret statutaire des attachés du 9 mai 2007
Aussi incroyable que cela puisse paraître, les responsables de la DRH ont affirmé à deux reprises à notre syndicat, lors de réunions tenues les 31 janvier et 31 mai 2012, que la Mairie de Paris peut sans risques ignorer les dispositions d'un décret dès lors que celui-ci ne prévoit pas de sanctions en cas de violation.
Cette déclaration étonnante vise en fait de façon très concrète les statuts des deux corps de fonctionnaires de la Ville régis par un décret (plus protecteur qu'une simple délibération du Conseil de Paris) : les attachés d'administrations parisiennes et les administrateurs de la Ville de Paris (tous les autres corps parisiens, sans exception, étant gérés par une délibération du Conseil municipal ou du Conseil général).