Publié le 11 février 2014
La performance dans la Fonction publique - PDF

La performance dans la Fonction publique

La notion de performance dans les services publics est en France très récente et semble à première vue ne pas pouvoir s'insérer dans l'univers de l'intérêt général, base de la Fonction publique impossible apparemment à quantifier. Pourtant, si la culture du résultat chère à Nicolas Sarkozy n'a pas été retenue par la Gauche au pouvoir depuis 2012, la PFR, condamnée pour son aspect de concurrence entre les fonctionnaires, est remplacée par un régime indemnitaire qui lui ressemble étrangement. Et les indicateurs liés au contrôle de gestion se généralisent et se multiplient.

Comme nous l'avons analysé  dans un précédent article, la Fonction publique française et la conception du fonctionnaire qui y est liée ont été élaborées au XIXe siècle dans un but unique : permettre à l'agent occupant un emploi public de se consacrer à l'intérêt général sans craindre les aléas économiques, les pressions de toutes sortes ou les sautes d'humeur de ses supérieurs hiérarchiques. Ainsi, le fonctionnaire ne reçoit pas un salaire (qui serait la contrepartie d'une activité mesurable) mais un traitement (lui permettant de bénéficier d'un statut social et d'être ainsi prémuni contre les tentations de corruption). Certes, un fonctionnaire qui ne fonctionne pas n'est pas en mesure de remplir les missions nécessaires au bon fonctionnement de la collectivité, mais l'idée d'une rémunération au mérite liée à des objectifs à atteindre et à des indicateurs permettant de connaître le degré de réalisation desdits objectifs a été jusqu'à une période très récente totalement étrangère au secteur public. Même la rationalisation des choix budgétaires (RCB), qui fit florès au début des années 1970, ne visait en aucune manière à jauger l'activité des agents.

Conséquence de la mondialisation, c'est-à-dire de la généralisation de l'économie de marché au niveau de la planète suite à l'effondrement de l'URSS et des régimes socialistes en 1989-1991, l'idée de performance des services publics (liée en partie à leur mise en concurrence avec les entreprises du secteur marchand) est assez rapidement apparue. En France, « nous avons voulu diffuser » au début du mandat de Nicolas Sarkozy « une culture nouvelle, celle du résultat » déclare ainsi l'ancien ministre de la Fonction publique Éric Woerth à la revue Acteurs Publics (numéro de novembre-décembre 2013). Culture concrétisée aux yeux de l'ancien Gouvernement par la mise en place en 2008 de la prime de fonctions et de résultats (PFR), synonyme pour l'ancien ministre « d'attractivité et d'efficacité ».

François Mitterrand évoquait souvent la paille des mots et le grain des choses. Aurait-il utilisé cette expression en entendant la nouvelle ministre de la Fonction publique Marylise Lebranchu condamner la PFR comme « le symbole de la performance individuelle et de la concurrence entre les fonctionnaires » et en observant que le nouveau Gouvernement de gauche remplace cette prime par une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) comprenant un complément indemnitaire annuel lié « à l'engagement professionnel et à la manière de servir » ?

Avec ses indicateurs d'activité, ses objectifs, ses contrôles de gestion généralisés, la Fonction publique semble bien être entrée dans une nouvelle époque où elle reprend les éléments de langage du secteur privé (le plus souvent en les singeant) jusqu'à considérer l'usager comme un client.

L'intérêt général y trouvera-t-il son compte ? Le débat “faire plus ou faire mieux” a-t-il vraiment un sens pour le service public ? Des algorithmes d'ordinateur permettent-ils de définir la performance pour des activités liées à l'intérêt de la collectivité ? Une approche comptable des problèmes permet-elle ou non d'améliorer le sort de la collectivité ? Nos voisins britanniques, réputés pour leur pragmatisme, parlent quant à eux de services partagés en matière de ressources humaines, d'achats, de comptabilité, de paie afin de générer des gains de productivité et de techniques donnant aux salariés les compétences nécessaires pour identifier où et comment améliorer leurs propres systèmes de travail.

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