Disneyland dans les catacombes : bravo la Mairie !
Pour 350 000 €, la Mairie de Paris vient de louer les Catacombes pour Halloween à la société américaine Airbnb (.plate-forme de locations de logements entre particuliers sur Internet.). Le couple ayant remporté le concours organisé par la start-up passera ainsi la nuit dans ce qu'Airbnb décrit comme «. la plus grande tombe de Paris, ultime demeure de 6 millions d'âmes.». Le lit devra être placé «.au moins à 70 cm des squelettes.» précise la Mairie. Ce ne sont pas en effet les noces d'Eros et de Thanatos qui vont être célébrées, mais celles du mauvais goût et du mercantilisme.
«.L'argent n'a pas d'odeur.» affirmait de façon fort exacte l'empereur romain Vespasien. Dernier exemple de cette sage réflexion : alors que la Mairie de Paris s'en prenait il y a encore peu de temps à Airbnb, accusée de laisser de moins en moins d'appartements à la location pour les Parisiens et de plus en plus pour les touristes, c'est à cette société qu'elle confie le soin d'organiser Halloween pour un couple dans les Catacombes. Prix de la location.: 350 000 € la nuit (.tous les tarifs des palaces sont battus.!.). Cette somme servira selon la Municipalité à financer des travaux nécessaires dans l'ossuaire : réfection de la ventilation, des éclairages, création d'une nouvelle sortie.
Cette nuit forcément inoubliable sera offerte à la personne qui aura remporté le concours organisé par la start-up sur son site : écrire un texte de 100 mots maximum expliquant pourquoi la perspective de passer la nuit du 31 octobre au 1er novembre dans les Catacombes vous enchante. L'heureux gagnant ou l'heureuse gagnante sera accompagné(.e.) d'une personne de son choix. La deadline (.jamais le mot n'aura été aussi adéquat....) pour participer au jeu est fixée ce mardi 20 octobre à minuit. Vous avez encore toutes vos chances.
«.Lors de votre soirée d’Halloween, descendez dans les tréfonds de la Terre et découvrez les histoires à glacer le sang de ce mystérieux labyrinthe souterrain.» clame Airbnb sur son site Internet. «.Étanchez votre soif d’aventure dans ce dédale tentaculaire jonché de crânes et d’ossements. Vivez ensuite une expérience culinaire hors du commun tout en écoutant, sous terre, un concert privé dans un endroit à l’acoustique des plus remarquables. Avant de rentrer chez vous, laissez-vous envoûter par des récits fascinants sur les lieux qui vous accueillent .:.cauchemars garantis. Profitez du lever du soleil en compagnie des morts, vous serez la seule personne vivante à vous réveiller dans les Catacombes de Paris.». Et de préciser que le lieu comprendra un vrai lit, mais pas de salle de bains, ni de chauffage, ni de parking gratuit, ni jacuzzi, ni cheminée d'intérieur. «.Veuillez respecter la tranquillité de vos voisins parisiens, vivants comme morts. N'oubliez pas votre brosse à dents et pyjama, surtout s'ils brillent dans le noir.» ajoute Airbnb.
Un concours bobo jusqu'à l'os
On le voit : nous sommes très loin de l'univers d'Edgar Poë ou de celui du James Whale de la Fiancée de Frankenstein, mais dans le monde de la publicité simplette et de la langue de bois commerciale. La société américaine, connue pour organiser des nuits insolites (.dans les galeries Lafayette la veille des soldes, dans une cabine de téléphérique suspendue à 2.700 mètres au-dessus de Courchevel.) est dans sa logique. Mais comme Paris Musées, établissement public dépendant de la Mairie de Paris et ayant organisé la nuit d'Halloween pour le compte de la Ville, semble dans cette affaire bien loin de sa vocation culturelle !
> Consulter le site d'Airbnb
Comme on pouvait s'y attendre, cette nuit particulière a provoqué une polémique. À droite, Le Figaro ironise sur «.un concours bobo jusqu'à l'os.» tandis que les conseillers de Paris Les Républicains font remarquer, à juste titre, que tout ne doit pas être monétisé et commercialisé comme un produit de consommation. Et de rappeler que «.le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort.» (.les Catacombes contiennent entre autres les restes des personnes mises en terre au cimetière des Innocents.).
C'est bien ce respect des morts qui semble échapper à Bruno Julliard. Ce type d'événement «.arrive dans plein d'autres endroits, comme le Louvre, le Musée d'Art Moderne.» s'est-il étonné.
Dommage que notre premier adjoint à la Maire de Paris chargé du patrimoine et de la culture ne connaisse apparemment pas Jules Laforgue : en lisant le poème “.À un crâne qui n'avait plus sa mâchoire inférieure.”, il aurait ainsi appris que les humains espérant monter dans «.la fête éternelle.» aspirent à autre chose qu'à un au-delà de pacotille mis en place occasionnellement par des publicitaires en mal de créativité.