Publié le 13 septembre 2016
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Berges de Seine : un certain temps !

C’est certainement bien involontairement que Christophe Najdovski, adjoint aux transports de la Mairie de Paris, a repris la fameuse formule de Fernand Raynaud,  pour l’appliquer au dossier ultra-sensible  de la piétonisation des berges de Seine. Il a en effet récemment déclaré : « il faut un certain temps pour voir comment les choses vont se passer ». Dans le sketch des années 50, la jolie formule « un certain temps » venait en réponse à la question « combien de temps met le fût du canon pour se refroidir lorsque l’obus est sorti du canon ? » posée au troufion par son caporal-chef. Le temps qui passe n’en a pas atténué la connotation ubuesque.

Cette petite phrase culte est tout à fait appropriée au vu des joutes qui opposent partisans et adversaires au projet de piétonisation des berges de Seine rive droite, d’autant que la commission d’enquête publique vient de rendre un avis défavorable. Rappelons que le projet consiste à aménager la voie Georges Pompidou sur un linéaire de 3,3 km, de l’entrée du tunnel des Tuileries à la sortie du tunnel Henri IV, dans les 1er et 4ème arrondissements, afin de libérer la voie de circulation automobile et ainsi permettre une liaison piétonne et cyclable le long de la Seine.

Une absence de pertinence et de concertation

Le rapport public du 8 août 2016 étaye son avis en s’appuyant sur l’étude d’impact et relève que les reports de circulation générés par la fermeture des voies sur berges affecteront notablement des arrondissements (tels que 5e, 6e et 8e) qui ne figuraient pas dans le périmètre de l’enquête publique (limité aux 1er, 4e, 7e et 12e). Ces reports de circulation représenteront d’importantes sources de nuisances : accroissement et ralentissement du trafic, pollution. Le rapport rappelle ensuite la vocation première de la voie Georges Pompidou : permettre aux habitants de la banlieue d’accéder au centre de la capitale. Cette voie est en effet utilisée au quotidien par 43 000 véhicules, mais, à l’heure actuelle, la nature comme l’importance des flux, la provenance comme la destination des véhicules ne sont pas des données connues.  Cette carence est particulièrement gênante alors que cette voie présente un intérêt qui dépasse les limites de la ville. Pour les rapporteurs, les hypothèses de calcul retenues ainsi que la limitation de la zone étudiée ne permettent pas de valider les hypothèses de réduction de pollution automobile.

Un impact économique trop flou

Comme à son habitude, la Mairie a habillé son projet de phrases creuses qui n’ont pas séduit les membres de la commission d’enquête. Quand la Ville avance qu’elle veut « développer les activités économiques utilisant notamment la voie d’eau et diversifier les usages en lien avec le fleuve », la commission relève que ces activités « susceptibles de compenser éventuellement l’impact économique négatif du projet, ne sont à ce jour ni précisément définies ni quantifiées ». C’est bien ce flou qui inquiète riverains, commerçants et bouquinistes ; là encore, la concertation laisse à désirer.

Le 26 septembre, le projet sera soumis au vote du Conseil de Paris. L'avis défavorable rendu par la commission d'enquête, purement consultatif, ne devrait pas beaucoup peser sur les débats mais pourra alimenter les recours éventuels. Dès lors, la décision du préfet de police permettra de prendre un arrêté de piétonisation. Michel Cadot a en effet indiqué qu’il était favorable à tester le projet pendant six mois. Afin de laisser du temps au temps ?

crédit photo : © JC Carbonel/Modestories 2007