Une réforme sous haute tension
La profonde réforme de la Fonction publique que Marylise Lebranchu a pour ambition de réaliser à l'issue de négociations devant se tenir entre mai 2014 et mars 2015 s'annonce d'ores et déjà difficile après l'annonce par le nouveau Gouvernement du gel du point d'indice jusqu'en 2017. Les syndicats CFDT, CFTC, CGT, FA-FPT, FSU, Solidaires et UNSA appellent l'ensemble des fonctionnaires à manifester le 15 mai contre cette mesure, en rappelant que le point d'indice reste inchangé depuis 2010. Le Premier Ministre Manuel Valls essaie de temporiser.
Le calendrier des négociations annoncé le 12 mars par la ministre de la Décentralisation, de la Réforme de l'État et de la Fonction Publique doit théoriquement déboucher sur une profonde réforme du secteur public qui concernerait entre autres la rénovation de l'architecture statutaire (avancement d'échelons ou de grade, ratios promus-promouvables), des grilles indiciaires et des politiques de rémunération. Cinq étapes ont été définies pour ce calendrier.
La confirmation par Manuel Valls le 16 avril du gel du point d'indice jusqu'à la fin de la mandature en 2017 a cependant provoqué un tollé des organisations syndicales représentant les agents publics et risque de mettre en cause le timing des négociations concernant la réforme de la Fonction Publique, qui devaient commencer le mois prochain.
« Les fonctionnaires comprennent qu'il y a des efforts à faire et qu'ils doivent y participer » a déclaré le 17 avril Luc Bérille, Secrétaire Général de l'UNSA. « Mais leur sentiment est qu'on leur demande à eux toujours plus » a-t-il ajouté, en soulignant que les quatre années de gel du point d'indice depuis 2010 se sont soldés par une perte de l'ordre de 6 à 7 points de pouvoir d'achat pour les fonctionnaires et que la poursuite de ce gel jusqu'en 2017 pourrait se traduire au total « par 10 à 15 points de pouvoir d'achat entre l'évolution du point d'indice et l'évolution du coût de la vie ».
Annonçant lors de sa déclaration de politique générale le 8 avril un plan d'économie de 50 milliards d'euros, le Premier Ministre a précisé que, dans ce cadre, l'État serait mis à contribution à hauteur de 19 milliards d'euros, l'Assurance Maladie à 10 milliards d'euros et les collectivités territoriales à 10 milliards d'euros.
Compte tenu du fait que la France compte au total 5,2 millions de fonctionnaires dans les différents versants de la Fonction Publique (État, Hospitalière, Territoriale), un rapport de la Cour des Comptes de juin 2013 estime qu'une hausse de 1 % du point d'indice représenterait une dépense supplémentaire de 1,75 milliards d'euros par an (750 millions pour l'État, 400 millions pour l'Hospitalière et 600 millions pour la Territoriale). Dans ce rapport, les magistrats de la Cour des Comptes jugeaient que le gel des salaires des fonctionnaires était « à court terme, le seul instrument de freinage de la masse salariale des administrations publiques ».
Face à la menace des syndicats de bloquer le dialogue social, Manuel Valls a annoncé le 24 avril l'introduction d'une « clause de revoyure » sur les rémunérations des agents publics dans le cas d'un retour éventuel de la croissance. Ce scénario, déjà évoqué par Marylise Lebranchu, permettrait une revalorisation des salaires des fonctionnaires de catégorie C alors que les rémunérations des agents de catégorie A continueraient d'être bloquées jusqu'en 2017.
Hier 28 avril, le Premier Ministre a annoncé de nouvelles mesures de compromis en ce qui concerne son plan d'économies. Dans une lettre adressée aux députés socialistes, Manuel Valls écrit en effet que « le gel du point d'indice des fonctionnaires fera l'objet d'un réexamen chaque année au regard de la croissance et des résultats du redressement économique de notre pays ». Manuel Valls ajoute par ailleurs que les fonctionnaires aux rémunérations les plus modestes des trois fonctions publiques « bénéficieront des mesures de revalorisation déjà prévues pour la catégorie C et les agents de catégorie B en début de carrière ». « Cela représente en moyenne environ 440 euros de salaire net [ par an ] en plus dès l'an prochain pour 1,6 million d'agents ».
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