Tenir ou même dépasser les objectifs fixés par la Municipalité et sa Direction ? Motiver les équipes, donner du sens au travail, réduire l'absentéisme ? S'épanouir soi-même dans sa mission de manager ? Discours utopique dans le contexte auquel sont soumis les attachés et plus largement les encadrants à la Ville depuis plusieurs années déjà. Expression chère à Maïté Errecart, ancienne adjointe au Maire en charge des RH, la “vraie vie” des managers n'est pas si rose qu'elle l'imaginait, et l'on peut même affirmer qu'elle est plutôt entre gris clair et gris foncé.
Tantôt on annonce à un attaché qui prend la responsabilité d'un service une équipe de 10 agents. À son arrivée, il n'en rencontre que 6. « Micheline et Louis ont pris leur lundi ! ». Oui, mais 10 - 2 = 8, alors où sont les 2 autres collègues ? L'un en maladie depuis plus d'un an, précision qui bien sûr n'avait pas été annoncée lors de l'entretien de recrutement, l'autre absent comme presque tous les lundis, parfois le mardi (les week-ends sont festifs !). Sans justificatif mais sans autre conséquence qu'une retenue sur salaire car, à en croire le sous-directeur, « ce n'est pas si grave, quand il est là il fait son travail ! ». Deux ans plus tard, hélas, la situation n'a pas évoluée. Cependant, l'équipe continue à se démener pour répondre à l'un des objectifs phares de la mandature précédente, poursuivi par la toute nouvelle Municipalité. Dans leurs moments de découragement, les agents constatent : « On fait le boulot des collègues sans aucune prime en plus ». Le chef de service ne ménage pas sa peine pour les motiver au quotidien, réclame un renfort d'effectifs, une augmentation du solde annuel de primes pour les plus investis, soutient le dossier de promotion d'un adjoint administratif méritant. Sans succès ! Le directeur n'est généreux qu'avec ses proches collaborateurs.
Le SRH vous ferait culpabiliser
Tantôt on affecte d'office un agent de retour d'un congé maladie, reconnu travailleur handicapé. Pourquoi dans ce service, en l'absence de poste budgétaire et de mission (utile) à lui confier ? Réponse de l'administration : « Il faut bien le mettre quelque part et c'est chez vous qu'il fera le moins de dégât ! ». Ainsi s'ajoute un problème disciplinaire, ce que le SRH s'était bien gardé de signaler spontanément. Mais chacun a droit à une deuxième chance. Par ailleurs, l'accueil des travailleurs handicapés est un objectif RH majeur. Malgré toute sa volonté, et celle de l'agent qui subit cette situation, le chef de service las de chercher que lui donner à faire appelle le SRH mais la discussion s'interrompt vite : « Mais enfin, vous accueillez un travailleur handicapé, vous devez faire en sorte que ça se passe bien ! ». Parce qu'en plus de faire perdre du temps, le SRH n'hésiterait pas à faire culpabiliser. Proposerait-il des formations en vue d'une meilleure intégration de l'agent ? Pas prévues au plan, pas enregistrées dans FMCR, bref, il faudra attendre 2015 !
Le Directeur fait l'autruche
Autre situation préoccupante : imposer en tant qu'encadrant intermédiaire un agent certes soutenu par quelques instances, mais dont l'efficacité et les talents de manager ne sautent pas aux yeux. Ce soutien ne poserait aucun problème s'il n'était pas régulièrement rappelé au chef de service comme une menace. Heureusement, l'équipe est composée de très bons collaborateurs, néanmoins lucides sur l'incapacité de leur supérieur hiérarchique direct. Quelques dossiers essentiels ont été enterrés mais la Direction, soucieuse d'assurer la paix sociale, préfère tout bonnement faire l'autruche. Une sanction ? Soit-elle du premier groupe ? Non vraiment, le directeur reconnaît le problème mais n'est pas prêt à aider le chef de service afin que ce dernier joue pleinement son rôle !
« Je n'ai qu'une envie : travailler ! »
Pour finir sur une note positive (tout est relatif !), de bonnes nouvelles arrivent parfois. Mais à quel prix ? Combien de temps et d'énergie consacrés à compenser la rigidité du fonctionnement de l'administration parisienne, en particulier de sa gestion des ressources humaines ! Reclasser des agents en un mois ? Non, ce n'est pas mission impossible ! À la condition de trouver des subterfuges internes aux Directions sans passer par la DRH. Quelle satisfaction d'entendre un agent dire : « Merci, ça fait un an que je suis chez moi à me morfondre, alors que je n'ai qu'une envie : travailler ! ». Tiens donc, l'un des objectifs n'est-il pas de réduire l'absentéisme ? Et quand ce cri du cœur est confirmé (avec du tutorat organisé au niveau du service) par une adaptation de l'agent au poste qui lui est confié, alors oui, on peut voir la vie en rose. On aimerait juste que cela arrive plus souvent !
Emmanuel Grégoire, nouvel adjoint à la Maire de Paris chargé des ressources humaines, des services publics et de la modernisation de l'administration y participera-t-il en faisant en sorte que cette fonction support remplisse pleinement son rôle ? Les directeurs qui seront nommés par Anne Hidalgo auront-ils le courage et l'équité d'aller dans le même sens ?
C'est dans ces conditions que les managers pourront s'accomplir dans le rôle difficile qui est le leur.