Paris Habitat : analyse d’un désastre financier
Dans son dernier rapport rendu public le 17 février, la Cour des Comptes estime que l'installation de Paris Habitat dans son nouveau siège social du 21 rue Claude-Bernard a donné lieu à « une accumulation de dérives financières et de délais ». Le coût du projet a augmenté de moitié par rapport aux prévisions et la durée des travaux est passée de deux ans à quatre ans et demi. La Cour des Comptes souligne l'absence de pilotage de l'opération, alors qu'une équipe spécialement recrutée était chargée du suivi. L'opposition municipale UMP et le Collectif des Mal Logés dénoncent ce qu'ils estiment être un scandale.
En décembre 2003, Paris Habitat a acheté un immeuble situé au 21, rue Claude-Bernard dans le 5e arrondissement, précédemment occupé par le journal Le Monde (qui n'en était pas propriétaire). L'office HLM disposait déjà d'un siège social dans le 5e arrondissement, rue du Cardinal-Lemoine, trop petit pour accueillir l'ensemble de ses services.
L'opération immobilière – constate la Cour des Comptes – a été un gouffre financier. Le coût du projet a augmenté de moitié entre l'hypothèse de départ présenté le 25 mars 2004 au conseil d'administration (90 millions d'euros) et l'estimation fournie le 6 mai 2008 (139,4 millions d'euros). Dans le même temps, les délais ont explosé. La durée des travaux est ainsi passée de deux ans à quatre ans et demi. « Ces dérives des coûts et des délais résultent des modifications apportées au projet initial mais aussi d'un pilotage défaillant, bien que confié à une équipe dédiée, spécialement recrutée » relève le rapport de la Cour des Comptes.
Lors de la phase de préparation, les délais laissés aux entreprises pour répondre aux marchés ont été trop courts. Durant l'exécution des travaux, de nombreuses modifications, résultant de sous-évaluations manifestes (en informatique), de décisions fonctionnelles et de choix de décoration (installation de fontaines à eau, de plafonds lumineux) ont causé des retards et des surcoûts en cascade.
Par ailleurs, le nouveau siège du 21, rue Claude-Bernard était censé être beaucoup plus économique que les bâtiments de la rue du Cardinal-Lemoine. Or, c'est le contraire qui s'est produit. Les charges d'électricité et de chauffage sont quasiment deux fois plus élevées que dans les anciens immeubles.
Paris Habitat a aussi mal négocié. Trois étapes ont ainsi été nécessaires pour désamianter le nouveau siège, alors que ces travaux auraient dû être inclus dans le contrat initial et incomber au vendeur. Or, c'est l'office qui a supporté financièrement, au moins en partie, l'opération de désamiantage.
Les élus UMP du Conseil de Paris ont qualifié jeudi l'opération immobilière de «désastreuse». dans un communiqué, Jean-François Lamour, député de Paris et président du groupe UMP au Conseil de Paris, ainsi que l'ensemble des élus du groupe, ont « demandé à la Ville de Paris de fournir toutes les explications nécessaires » après «les conclusions accablantes du rapport de la Cour des Comptes». Plusieurs députés UMP parisiens (Claude Goasguen, Jean-François Lamour, Philippe Goujon, Bernard Debré, Françoise de Panafieu et Edwige Antier) « avaient dès l'automne alerté sur la gestion de Paris Habitat, en demandant dans une proposition de résolution la création d'une commission d'enquête à ce sujet » précise également le communiqué.
De leur côté, quelques dizaines de demandeurs de HLM du Collectif des Mal Logés ont «manifesté devant le siège social du premier bailleur parisien, jeudi pendant plusieurs heures» annonce le Collectif. « À l'instar de l'affaire du siège, la politique menée dans d'autres domaines pose clairement le problème de l'utilisation des fonds du logement social : rachat d'immeubles quasi-totalement occupés dans les quartiers les plus chers de la capitale (...), augmentation des loyers » déclarent également les Mal Logés.
Paris Habitat est le plus important office public de l'habitat (OPH) de France, avec plus de 117.000 logements sociaux situés essentiellement dans Paris.