En méconnaissant les pratiques habituelles de l'administration, en passant de façon quasi-systématique outre l'avis des délégués du personnel lors des réunions de la CAP compétente et en imposant sa volonté dans un grand nombre de dossiers, Mme Errecart, adjointe au Maire de Paris chargée des RH, transforme lentement mais sûrement le corps des attachés d'administrations parisiennes en un vaste fourre-tout, et lèse ainsi l'intérêt général des fonctionnaires qui y ont eu accès par les voies normales des concours ou des promotions internes.
Depuis son entrée en fonctions au printemps 2008, Mme Errecart a fait quelques progrès. Ainsi, elle n'appelle plus les chefs de bureau de l'administration municipale les « managers ». Peut-être s'insurge-t-elle encore contre le fait que les Commissions administratives paritaires traitent des dossiers individuels des agents (alors que c'est le rôle même des CAP), mais elle ne le fait plus savoir ouvertement depuis l'automne 2010. Cependant, bien qu'elle se déclare “haut fonctionnaire” au niveau de sa profession dans la dernière édition du Who's Who (sans être sortie de l'ENA ou avoir été membre d'un quelconque grand corps de l'État), le monde de la Fonction publique semble toujours constituer pour elle une forêt repoussante remplie de procédures incompréhensibles et de statuts archaïques.
Variations sur le mot “équité”
Pour Mme Maïté Errecart, l'administration parisienne semble ainsi constituée de deux catégories de personnes : d'un côté, quelques agents dynamiques, qui prennent des risques et qui ne comptent pas leurs heures, qui ont connu (c'est un “plus” pour l'adjointe au Maire) des parcours atypiques, ou qui ont été contractuels ou salariés du secteur privé, en bref tout ce qu'elle appelle « la vraie vie » ; de l'autre, des élus paritaires obtus et des syndicalistes bornés, qui ne font qu'agiter des questions statutaires désuètes ou invoquer des procédures sclérosées. Pour protéger les premiers contre les seconds, l'adjointe au Maire fait souvent appel à la notion d'équité, mais donne à ce mot un sens que la Novlangue orwellienne n'aurait pas désavoué. Telle permanente syndicale veut être nommée au choix en catégorie A (alors qu'elle a déjà bénéficié d'une promotion en catégorie B pendant son mandat de syndicaliste) ? L'équité exige qu'elle soit nommée dans le corps des attachés. Tel sympathique sportif n'ayant jamais quitté sa filière en 40 ans de service et qui, par un jeu étonnant d'intégration et de reclassement (sans avoir jamais passé un seul concours) a atteint l'indice brut 966, veut bénéficier de la prime départementale (ce que ne lui permet pas le corps de fonctionnaires dont il est membre) ? L'équité veut qu'il soit accueilli en détachement chez les attachés d'administrations parisiennes. On le voit : ce mot ne sert en pratique qu'à défendre des intérêts particuliers et à discréditer les contradicteurs (des syndicalistes seraient-ils contre l'équité ?). Contradicteurs que l'adjointe au Maire refuse de toutes manières d'entendre, tout son comportement leur répondant sans cesse, à la manière de la Zazie dans le Métro de Raymond Queneau : « Tu causes, tu causes »...
Rétrécissement du champ visuel
À cette manipulation sémantique, l'adjointe au Maire de Paris chargée des ressources humaines ajoute, de façon souvent déconcertante, l'art de n'étudier les dossiers qu'avec une focale très réduite. Le problème éthique que pose forcément la promotion d'un(e) délégué(e) syndical(e) est ainsi évacué. Le fait qu'un grand nombre de fonctionnaires (et pas seulement notre sympathique sportif déjà cité) connaissent de très fortes disparités au niveau indemnitaire, alors qu'ils assument des responsabilités strictement identiques, souvent dans la même direction municipale, mais appartiennent à des corps différents (attachés d'administrations parisiennes et ingénieurs des services techniques par exemple), est totalement ignoré. Cette difficulté de passer au grand angle signifie-t-elle que l'adjointe au Maire est atteinte d'hémianopsie mentale (*) ?
Un comportement sans précédent
La question se pose d'autant plus que Mme Errecart semble toujours ignorer qu'elle a à connaître de dossiers d'agents publics (régis par des règles sans doute plus contraignantes que celles du secteur privé, comme cela est le cas dans le domaine comptable), et non des personnels de Prisunic (dont elle fut directrice des ressources humaines) soumis à d'autres règles de droit. Tout comme elle ignore qu'une grande partie des cadres (et notamment des attachés) s'investissent pleinement dans leur travail malgré les réductions d'effectifs, ne comptent pas leurs horaires (leurs plafonds de récupération sont pulvérisés sans aucun espoir de monétisation), ne chipotent pas sur les responsabilités qu'ils assument, mais demandent également – équité oblige ! – que le niveau du corps de fonctionnaires dont ils font partie ne soit pas abaissé. Eh oui, Madame ! Il est possible de connaître à la fois une vraie vie à la Ville de Paris et vouloir défendre son statut (c'est-à-dire bénéficier d'une reconnaissance pas totalement imméritée)... À une volonté délibérée d'ignorer l'avis des délégués des personnels et des élus paritaires et de passer en force les dossiers contestés, l'actuelle adjointe au Maire de Paris chargée des ressources humaines ajoute le désir, quelque peu facile, de secouer sans discernement le cocotier administratif. Ce faisant, elle adopte un comportement qui n'a jamais été celui de ses prédécesseurs au cours du quart de siècle (soit quatre mandatures) qui a précédé son entrée en fonctions. D'où un malaise grandissant, qui commence à constituer un réel point noir dans le fonctionnement de la Mairie.
(*) hémaniopsie : rétrécissement du champ visuel.